La voie d’exception de la caution

Selon les dispositions de l’article 2288 du code civil, celui qui se rend caution d’une obligation, se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.
Contrat unilatéral, constituant garantie d’exécution pour le créancier, le cautionnement renferme un
caractère accessoire au regard du contrat principal. Ainsi, la caution garantit personnellement au créancier, la défaillance de son débiteur. Le débiteur est tiers au cautionnement, et la caution est tiers au contrat principal. Cependant, la cause de l’obligation de la caution est la considération du crédit accordé au débiteur principal (Corn. 8 novembre 1972). Cette relation triangulaire singularise le cautionnement. En effet, selon l’article 2311 du Code civil, le cautionnement s’éteint par les modes traditionnels des conventions, tout en bénéficiant de causes d’extinctions spécifiques. A raison du risque supporté par la caution, celle-ci bénéficie d’une protection personnelle à l’égard du créancier.
L’efficacité de cette protection demeure un enjeu majeur des intérêts de la caution. A ce titre, l’article 2313 du Code civil permet à la caution d’opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette. Cette disposition permet à la caution d’exciper de moyens identiques à ceux du débiteur pour concourir à l’extinction de la dette au principal. Cependant cette assimilation connaît une limite essentielle : L’alinéa 2 de l’article 2313 du Code civil proscrit l’opposabilité des exceptions purement personnelles au débiteur. Dans cette perspective, il conviendra d’apprécier le domaine (I), puis le régime (II) de la voie d’exception de la caution.

I – LE DOMAINE DE LA VOIE D’EXCEPTION POUR LA CAUTION

A) L’autonomie du contrat de cautionnement par rapport au contrat principal
Relevant de la théorie générale des contrats, le cautionnement est soumis aux conditions de validité du droit commun prévues à l’article 1108 du code civil, plus particulièrement à celles qui régissent le consentement.
S’agissant du dol, ce vice du consentement n’est en principe sanctionné que s’il a pour auteur le cocontractant lui-même. Cette règle résulte de l’article 1116 du code civil qui vise « les manoeuvres pratiquées par l’une des parties exclut de son domaine les agissements des tiers ».
Faisant précisément application de cette règle, la Cour de cassation juge que « même dans un contrat unilatéral tel que le cautionnement, le do! ne peut entraîner la nullité de la convention que s’il émane de son cocontractant’ (1ère civ., 20 mars 1989), dans cette espèce, les cautions invoquaient le dol du créancier qui les avait laissées s’engager en connaissant la situation désespérée du débiteur principal.
Par son arrêt du 13 novembre 2002, la chambre commerciale a réaffirmé le caractère de tiers au contrat de cautionnement du débiteur principal. N’étant pas partie au contrat de cautionnement, les manoeuvres dolosives pratiquées par ce dernier à l’égard de la caution ne peuvent être prises en considération. Ce faisant, la Cour de cassation n’a pris en considération que le seul contrat de cautionnement, reprenant en cela la règle énoncée dans son arrêt du 26 janvier 1988 « bien qu’il soit accessoire à l’obligation du débiteur envers le créancier, le cautionnement est une convention conclue entre la caution et le créancier, à laquelle le débiteur n’est pas partie ».
Faisant donc une application littérale de l’article 1116 du code civil, cet arrêt, souligne la doctrine, met fin aux incertitudes suscitées par l’arrêt rendu par la chambre commerciale du 29 mai 2001.

En effet, par cet arrêt, la chambre commerciale a décidé que « dans les rapports entre cofidéjusseurs, le dol peut être invoqué par la caution qui se prévaut de la nullité du cautionnement lorsqu’il émane de son cofidéjusseuf’.
Dès lors que le cofidéjusseur de la caution est un tiers au contrat de cautionnement, cet arrêt a été analysé comme posant une exception au principe selon lequel le dol doit émaner d’un des contractants. Certains auteurs en ont conclu que cette solution rendait plus incertain le maintien du refus de prendre en compte le dol commis par le débiteur principal à l’égard de la caution. Pourtant, un auteur, M. Crocq, a souligné que « la Cour de cassation avait pris soin de préciser que l’invocation du dol commis en l’espèce est possible dans les rapports entre cofidéjusseurs, ce qui, a contrario, semblait selon cet auteur, indiquer que ce même dol n’aurait pu être invoqué à rencontre du créancier.
Marquant donc l’autonomie du contrat de cautionnement au travers de ces arrêts (qui ne sont pas exhaustifs), la Cour de cassation entend faire prévaloir un principe de sécurité juridique au profit du créancier fondé sur le refus que les droits de ce dernier puissent être remis en cause en raison d’un comportement auquel, par hypothèse, il a été étranger.
Pourtant, cette ligne n’a pas été suivie par la troisième chambre civile qui a mis en évidence une divergence interne à la Cour de cassation.
Par son arrêt du 11 mai 2005, cette chambre a admis la caution à se prévaloir du dol dont a été victime le débiteur principal quand bien même ce dernier ne l’avait pas soulevé en décidant que « la caution peut opposer au créancier les exceptions qui sont inhérentes à la dette et prendre l’initiative de faire anéantir à son égard le contrat principal en faisant constater sa nullité fondée sur le dol commis par le créancier à l’égard du débiteur principal, ce qui avait pour effet de le décharger de sa propre obligation de paiement. »
Dans leur commentaire, MM. Mestre et Pages relèvent que l’apport de l’arrêt n’est pas mince. Ils confirment, ce que la doctrine admettait déjà, à savoir la possibilité pour la caution de prendre seule, l’initiative d’invoquer la nullité relative du contrat principal pour vice affectant le consentement du débiteur.
Cette position divergente, qui s’écarte de l’indépendance du contrat de cautionnement, met en évidence la complexité de la nature du cautionnement qui n’est pas seulement un contrat obéissant aux conditions de formation découlant du droit commun mais qu’il est également une sûreté dont la validité dépend du principe de l’accessoire.

B) Les critères de l’exception purement personnelle du débiteur
La caution peut-elle se prévaloir de toute cause de nullité affectant l’obligation principale, indépendamment de son caractère absolu ou relatif ?
Il n’y a pas lieu d’insister ici sur la voie procédurale empruntée par la caution, l’intérêt de la question ayant sensiblement disparu dès lors qu’il est admis qu’elle puisse agir par voie d’action ou d’exception (chambre mixte du 21 février 2003) ni de savoir si la voie de la tierce opposition lui est ouverte hors les cas de fraude.
Plus délicate est la question des critères de détermination de l’exception selon qu’elle tient à une nullité absolue ou relative affectant l’obligation principale.
Il est certain que dans l’un ou l’autre cas, la caution peut opposer au créancier qui la poursuit la nullité de l’obligation prononcée à l’initiative du débiteur principal.
Il est également admis que la caution peut, en recourant à la notion de tiers intéressé, invoquer elle-même la nullité de l’obligation.
Sur ce point, il convient de se référer à l’analyse moderne du régime des nullités qui instaure un droit de critique de l’acte vicié. Ce droit de critique est attribué à certaines personnes en fonction du but visé par la règle de droit violée.
Si la règle violée est d’intérêt général, le droit de critique sera accordé à tous les intéressés, parmi lesquels figure la caution. Si la règle violée est, au contraire, d’intérêt particulier, la caution n’en est pas moins titulaire du droit de critiquer l’acte qu’elle enfreint en vertu du droit direct qu’elle a acquis en participant à l’opération de cautionnement (Simler n° 226 et s.)
En ce sens, la caution serait fondée à invoquer la nullité relative de l’obligation principale.
Se pose alors la question de savoir si la caution peut se voir opposer la confirmation par le débiteur de l’acte entaché de nullité.
L’article 1338 alinéa 3 du code civil rend la confirmation inopposable aux tiers. Il est possible d’en conclure qu’elle ne serait pas applicable à la caution qui ne pourrait obtenir la nullité lorsque le débiteur a confirmé l’acte.
Par la décision de Chambre mixte du 8 juin 2007, la Cour de cassation affirme nettement que la caution ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur principal.
Ainsi, l’invocation du dol a pour fonction d’assurer la protection du seul co-contractant.

II – LE REGIME DE LA VOIE D’EXCEPTION DE LA CAUTION

A) Les effets de la nullité du contrat principal sur le cautionnement
Analysant les causes d’extinction du cautionnement inhérentes aux engagements des parties, Mouly propose de retenir sous l’expression « la stérilité de l’engagement de la caution » une classification faisant ressortir l’impossibilité de satisfaire le créancier, telle la caducité présentée comme la condamnation d’une stérilité future, la prescription étant présentée comme la sanction d’une stérilité passée.
Cet auteur précise que la caducité est un facteur d’extinction de l’obligation qui, se caractérise par une cessation d’existence pour l’avenir, frappe un engagement à l’origine.
Le droit commun des obligations offre, selon cet auteur, une cause générale de caducité tenant à l’impossibilité d’exécuter. Il ajoute que le droit spécial du cautionnement, présente, en raison du caractère accessoire de cet engagement, une cause spécifique de caducité : la disparition rétroactive de l’obligation principale.
Cette analyse est partagée par Simler pour qui le caractère accessoire du cautionnement postule que son efficacité soit fonction de celle de l’obligation principale. Le cautionnement d’une obligation nulle est donc, par voie de conséquence, privé de tout effet. La nature même de cette inefficacité par ricochet qui frappe le cautionnement soulève un problème de qualification. Il relève que la doctrine raisonne habituellement en termes de nullité : la nullité de l’obligation principale emporterait nullité du cautionnement. Cette analyse serait suivie par la jurisprudence. Mais la nature de cette inefficacité n’est pas nécessairement identique à celle qui affecte l’obligation principale viciée. Le cautionnement d’une obligation principale nulle n’est pas lui-même nul. De la même manière, en cas de résolution du contrat principal, le cautionnement disparaît, sans qu’il puisse être question de qualifier son anéantissement rétroactif de résolution. Dans l’un et l’autre cas, la qualification appropriée paraît être celle de la caducité et précisément d’une caducité rétroactive.
Poursuivant son analyse sur les causes de la disparition de l’engagement principal et le sort du cautionnement, Mouly relève notamment l’absence d’existence juridique de l’engagement principal tenant notamment à sa nullité (le droit d’invoquer cette nullité étant définie selon une doctrine autorisée comme « le droit de critique attribué à certaines personnes à rencontre de l’acte »). Le vice qui justifie ce droit de critique consiste soit en l’existence de forme invalidante, soit dans le défaut ou le vice de la volonté ou de la capacité des parties, de la cause ou de l’objet de l’acte. Dans toutes ces hypothèses, le titulaire du droit de critique peut faire disparaître rétroactivement l’apparence créée par l’acte invalidé. A la suite du prononcé de la nullité ou de la rescision, l’acte est censé n’avoir jamais existé. La liaison entre la disparition de l’obligation principale (quelle qu’en soit la cause matérielle ou juridique) et de son cautionnement résulte de la règle de Cette règle est reprise par l’article 2289, alinéa 1 du code civil « le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable » peu important la nature de la disparition de l’obligation principale dès lors que le caractère accessoire de l’obligation principale réside dans l’affectation de cette sûreté à la garantie de la dette principale dont la disparition a pour simple conséquence de priver le cautionnement de son utilité. Il y a donc une différence de nature entre la disparition du contrat principal et celle du cautionnement accessoire.
L’intérêt de cette analyse théorique est d’inviter notamment à rechercher si la caution peut elle-même déclencher la disparition rétroactive de l’obligation principale.
Le cautionnement se caractérise par une complexité structurelle liée à l’imbrication des relations obligatoires entre les différents intervenants. Le principe de l’accessoire permet de définir le champ des circonstances affectant le rapport d’obligation couvert. Ce principe permet à la caution, débiteur de l’obligation, d’invoquer dans ses rapports directs avec le créancier les exceptions d’un rapport d’obligation qui lui est étranger.

B) La limitation des droits substantiels de la caution
Si l’alinéa 1er de l’article 2313 du code civil, ouvre cette possibilité à la caution, en lui permettant d’opposer toutes les exceptions inhérentes à la dette, son alinéa 2, qui réitère l’article 2289, alinéa 2, lui refuse le bénéfice des exceptions purement personnelles au débiteur.
On a pu noter que « la définition des exceptions inhérentes à la dette principale » visée par l’article 2313 du code civil, de même que celles des « exceptions purement personnelles » au débiteur est incertaine.
Sans doute la doctrine autorisée et majoritaire s’accorde pour cantonner strictement l’article 2289 alinéa 2 du code civil à l’incapacité du débiteur principal pour des raisons tant historique que juridique (fondée sur la promesse de porte-fort : le garant doit être engagé de manière autonome s’il le demeure quand la dette garantie est nulle). En tout état de cause, il est nécessaire que le garant ait connu la fragilité de l’obligation principale et qu’il ait voulu son absence éventuelle de recours.
Pourtant, une distinction doit être opérée car dans l’article 2313 du code civil l’obligation principale, par hypothèse est valable : seul est en cause le régime de son exécution c’est-à-dire les causes d’extinction, de suspension ou de réduction de l’obligation principale. En revanche, s’il s’agit d’une cause de nullité, la réponse se trouve dans l’article 2289 du même code.
C’est le sens qu’il convient de donner à l’arrêt du 20 octobre 1987, par lequel la première chambre civile a, au visa de l’article 2289, alinéa 2, censuré une cour d’appel qui avait déchargé des cautions de leur engagement au motif que la nullité du défaut de pouvoir du dirigeant ne pouvait être invoquée par elles en décidant que le défaut de pouvoir qu’elle relevait ne constituait pas une exception purement personnelle à l’obligé.
Ce faisant, elle a mis en évidence que l’exception personnelle à l’obligé ne se confondait pas avec la nullité de protection.
Comme l’a relevé un auteur, la règle transversale de l’article 2289 du code civil, largement liée à l’extinction de la dette principale, mais dont le champ d’application est forcément plus vaste, puisque s’y croisent toutes les propositions acceptées et développées à partir du caractère accessoire, est largement utilisée par les cautions comme l’atteste l’abondante jurisprudence.
Formulant une proposition plus large, M. Simler relève que « l’ensemble des propositions (du principe accessoire) se trouve résumé dans le principe suivant lequel la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions appartenant au débiteur. »
MM. Cabrillac et Mouly estiment que cette règle constitue « la voie procédurale de l’accessoire ».
Pour J. François, la distinction faite par l’article 2313 n’a pas de valeur générale, étant précisé que la solidarité n’a pas vocation à influer sur l’application du principe d’opposabilité des exceptions. En effet, même solidaire, le cautionnement n’en reste pas moins accessoire.
Cette analyse de l’état du droit permet de conclure avec M. Marty que la distinction des exceptions personnelles et des exceptions inhérentes à la dette constitue le type même de l’explication a posteriori…il existe une règle à savoir que la nullité ou l’extinction de l’obligation principale frappe le cautionnement de caducité. Mais cette règle admet des dérogations (telle l’incapacité du débiteur ou toute autre dérogation légale) qui s’expliquent pour des raisons diverses : or, une fois la dérogation admise dans tel ou tel cas, on parlera après coup d’exception personnelle.

3 réflexions sur “La voie d’exception de la caution”

  1. NKONO LOUKEBA Montesquieu

    je vous écrit afin que vous puissiez mettre à ma disposition toutes les informations concernant le droit de cautionnement: formation, exécution, extinction, effets et tout ce qu’il faut si possible.

  2. Bonjour,

    Pourriez-vous être plus précis quant à vos attentes, votre demande étant large, il faudrait un livre entier pour y répondre. Je peux vous donner les lignes essentielles et si vous souhaitez des précisions, n’hésitez pas à me demander.
    D’une part, quant à la formation, le contrat de cautionnement peut être fait par acte sous seing privé ou authentique. Cependant, dans les actes sous seings privés, la mention manuscrite est obligatoire et elle doit indiquer très précisément l’étendue de l’engagement. Attention, pour conclure un cautionnement, il faut la capacité juridique. Quant eu vice du consentement, vous ne pourrez en aucun cas invoquer l’erreur sur la solvabilité du débiteur principal.
    La loi a érigé une protection contre les engagements excessifs : un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus; à moins qu’au moment où le paiement est réclamé à la caution, le patrimoine de celui-ci lui permette de faire face à ses obligations.
    Quant à l’exécution, la caution doit être informée sur l’évolution de la dette. En effet, lorsque la caution est une personne physique, le créancier doit l’informer annuellement de l’évolution du montant de la créance garantie et de ses accessoires.
    D’autre part, pour les effets, plusieurs précisions importantes sont à apporter. Le principe est qu’à l’échéance de la dette principale, la caution si elle est poursuivie par le créancier devra payer cette dette. De plus, si la caution n’est pas solidaire, elle bénéficiera du bénéfice de discussion et de division.

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